Innovation

Comment utiliser la chaleur des datacenters pour chauffer des bâtiments ?

Récupérer et utiliser la chaleur produite par les datacenters ou serveurs informatiques pour chauffer des bâtiments est une réalité depuis quelques années.

En effet, comme nos ordinateurs ou nos smartphones, les serveurs des salles informatiques chauffent énormément. Ils sont donc refroidis constamment pour rester à des températures cohérentes de fonctionnement. La consommation de climatisation est donc importante et proportionnelle à la puissance informatique en jeu, et donc à l’activité des serveurs.

Or, la demande en puissance informatique est en forte augmentation. Dans de nombreux secteurs, différents usages se démocratisent :

  • faire appel à des fermes de serveurs Haute Performance dans le cloud pour réaliser des calculs (animation 3D, recherche scientifique, simulation numérique)
  • utiliser des outils de collaboration en entreprise et à distance dont les visioconférences boostées par la situation sanitaire,
  • passer du temps sur les réseaux sociaux, ce qui génère un nombre important de données qui sont produites, analysées, stockées.

Et s’il était possible de récupérer cette chaleur et l’utiliser pour chauffer des bâtiments ?

C’est ce que font 2 startups françaises, Qarnot computing et Stimergy.

Comment utiliser la chaleur des datacenters ?

Le principe est assez évident quand on y pense : d’un côté on a des salles serveurs qui produisent beaucoup de chaleur, de l’autre on a des bâtiments qui demandent beaucoup de chaleur l’hiver, voire toute l’année.

Avant Qarnot, j’avais entendu parler en 2012 d’un projet ingénieux de mutualisation énergétique entre un datacenter et un réseau de chaleur à Marne-la-vallée. En effet, si on simplifie, climatiser revient à évacuer la chaleur dans un espace pour la rejeter à l’extérieur.

Par exemple, un frigo fonctionne sur le même principe : les serpentins métalliques à l’arrière permettent de diffuser dans votre cuisine, la chaleur récupérée dans le frigo.

Dans la plupart des cas, les datacenters sont climatisés en rejetant la chaleur à l’extérieur. Sur ce projet, au lieu d’être rejetée dans l’air et perdue, la chaleur est récupérée pour alimenter le réseau de chaleur de la ville. De quoi alimenter jusqu’à 600 000 m² de bureaux ainsi que la piscine du parc aquatique de Val d’Europe.

Pour aller encore plus loin dans cette optique, deux concepts innovants émergent dans les 2 starups évoquées :

  • le radiateur-ordinateur,
  • la chaudière numérique.
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Le radiateur ordinateur ou radiateur numérique par Qarnot Computing

Dès 2010, Qarnot Computing veut tirer partie de cette énergie perdue par les datacenters. Leur innovation est un radiateur-ordinateur, le QH-1, dont les premiers exemplaires sont installés dès 2013.

Concrètement, il s’agit d’un ensemble-bloc contenant des microprocesseurs haute performance et dont la forme permet de dissiper la chaleur comme un radiateur.

Principe du radiateur-ordinateur © Qarnot Computing
Principe du radiateur-ordinateur © Qarnot Computing

Qarnot propose à la fois :

  • la vente de ses radiateurs numériques pour une installation dans les bâtiments,
  • la vente de services de cloud computing pour différents secteurs (finance, recherche, animation 3D, etc…).

Un réseau de fibre optique relie les radiateurs-ordinateurs pour y faire circuler les données des clients de la société. En fonction de la puissance nécessaire pour chauffer la pièce, une quantité plus ou moins importante de calculs est dirigée vers chaque radiateur.

Cette approche permet donc de décentraliser entièrement la capacité informatique des clients. Il en résulte une baisse du coût global et de l’impact environnemental par rapport à des salles classiques : pas de bâtiment à construire, pas de climatisation ni sa maintenance technique.

De plus, les radiateurs-ordinateurs une fois achetés ne génèrent pas de coût supplémentaire : le chauffage est gratuit pour l’utilisateur final. En effet, un compteur intégré mesure la consommation électrique du QH-1 et Qarnot rembourse automatiquement les dépenses en électricité mesurées.

Depuis décembre 2019, Qarnot a complété son offre avec un nouveau produit : la chaudière numérique QB-1.

La chaudière numérique par Stimergy

Créée en 2013, Stimergy aborde directement le sujet de la récupération de la chaleur des salles informations de manière plus centralisée. Dans leur approche, les unités de calculs informatiques sont rassemblées et produisent de l’eau chaude qui va desservir le bâtiment : d’où le nom de chaudière numérique.

La chaleur, issue des serveurs fonctionnant à l’intérieur de la chaudière numérique, est récupérée par un liquide caloporteur dans lequel ils sont plongés. Puis, par un jeu d’échangeurs, les calories sont transportées pour alimenter les circuits de chauffage et de distribution d’eau chaude standard du bâtiment.

Chaudiere numérique - Stimergy
Principe de la chaudière numérique – © Stimergy

Cette approche permet de faire profiter de cette énergie « gratuite » à des bâtiments existants en intervenant sur la production sans toucher au réseau de distribution. De plus, la chaleur étant concentrée, il est possible d’adresser des besoins de chauffage plus important. Par exemple, une piscine a une demande de chaleur quasi permanente toute l’année pour chauffer l’eau et l’air des bassins. C’est donc un candidat idéal pour utiliser la chaleur des datacenters qui fonctionnent 24/7.

Dans les bâtiments classiques, Stimergy se focalise sur la production d’eau chaude sanitaire, qui a une demande toute l’année contrairement au chauffage. De plus, l’eau chaude peut être stockée dans un ballon tampon, le temps d’être utilisé. Ce qui rajoute de la flexibilité au système.

De la même façon que Qarnot, le client « côté bâtiment » paye une seule fois un « droit de raccordement » à la chaudière et bénéficie ensuite de chaleur gratuite. Les clients « côté informatique » payent pour des services informatiques ( cloud computing, hébergement, IOT) auprès de la société mère, Neutral IT.

Rien ne se perd, tout se transforme !

Plutôt que de climatiser la salle informatique et envoyer la chaleur aux petits oiseux, ces innovations proposent d’intégrer directement la puissance de calcul dans des unités de chauffage. Cela confère à l’ensemble une meilleure performance et apporte une intégration facilitée dans des bâtiments.

Avec l’augmentation de la demande en ressources informatiques, ces deux innovations permettent d’utiliser la chaleur des datacenters à bon escient. Par ailleurs, la décentralisation des puissances de calcul  au plus près des besoins de chaleur apporte une optimisation en termes de rendement et de coût. De plus, cette approche supprime la consommation de climatisation intermédiaire par une récupération directe des calories sur les micro-processeurs.

Le rendement énergétique de ces radiateurs et chaudières numériques se rapproche ainsi de 1 alors que la moyenne française est plus proche de 2 : la consommation énergétique totale d’un datacenter en France est en moyenne près de 2 fois la consommation de la puissance informatique seule.

Source : GreenIT.fr

Ces solutions innovantes sont à la fois compétitives économiquement et performantes en terme d’impact environnemental.

Installeriez-vous une de ces solutions dans votre logement / immeuble ? Connaissez-vous d’autres solutions innovantes qui permettent d’utiliser la chaleur des datacenters ?

Illustration : © Qarnot Computing

Amah

Passionné de nouvelles technologies, je partage ici des innovations technologiques qui impactent notre quotidien, ainsi que des astuces & outils pour simplifier notre vie à l'ère du numérique. Tech addict & casual dev | Interested by Technology, Energy & Africa

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8 commentaires

  1. Dommage qu’aucune de ces deux entreprises ne proposent d’offre pour les particuliers.

    Dommage également que Qarnot ne propose pas de solution spécialisée dans les serveurs Web par exemple, qui sont moins consommateurs de ressources CPU. Je pense qu’il y a un marché à prendre là.

    1. Bonjour Michel,
      L’installation de ces solutions nécessite un bâtiment qui soit d’une taille conséquente pour utiliser toute la chaleur disponible tout en couvrant les frais de l’installation.
      Pour Qarnot par exemple, il faut un réseau de fibre optique dédié pour irriguer en données les radiateurs-ordinateurs. Le faire pour un logement dans un immeuble ou une maison serait hors de prix, à mon avis.
      Avec le déploiement de la fibre optique partout en France, cela pourrait peut être devenir envisageable 🤔 …

  2. Maintenant, il existe des ordinateurs portables qui n’ont pas de disque dur, ils ne produisent pas de chaleur. Et plus de disque qui crash. Ne serait-ce pas plus écologique ?

    1. Bonjour Cora, ces ordinateurs ont leurs données traitées par des serveurs dans des centres informatiques (datacenters) qu’il faut climatiser alors que à la maison, les puissances sont faibles et ça refroidit naturellement. De plus, même s’il n’y a plus de disque dur, il y a quand même un processeur qui lui chauffe bien plus que le disque dur en général. Donc, ils produisent toujours de la chaleur.
      Comme ça, je dirais donc que c’est moins écologique, mais tout dépend de la performance de ces datacenters. Les innovations présentées permettent justement d’améliorer leur performance en réutilisant la chaleur produite.

  3. Salut Amah, merci pour la découverte 🙂 Je m’intéresse aux différentes façon de réduire l’impact carbone que génèrent nos activités numériques. Je sais qu’il y a des hébergeurs verts qui se fournissent uniquement en énergies renouvelables mais je ne connaissais pas du tout ces innovations !

  4. Bonjour,
    j’avais déjà entendu parler de ce principe de chauffage mais sans vraiment essayer de comprendre comment est ce possible, maintenant je sais un peu plus sur le sujet et ces grâce à ce magnifique article bien détaillé.
    je n’arrive toujours pas à imaginer que en fait les radiateur de chez moi seront remplacé dans une futur proche par des ordinateurs ultra puissants, c’est hallucinant!

    1. Super, content que tu aies apprécié l’article. Je ne sais pas, par contre, si ce type de système pourra être installé partout, mais c’est très intéressant.

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