Inventer la ville de demain avec NESTown, un concept de micro-villes durables en Afrique
NESTown est un concept de micro-villes autosuffisantes et durables pour les campagnes comme réponse à l’exode rural en Afrique, et cela avec l’introduction de diverses innovations pratiques pour les habitants.
Le concept NESTown (pour New Ethiopian Sustainable Town) se matérialise par un projet pilote à Buranest, dans la région Amhara au Nord Ouest de l’Ethiopie. En effet dans ce pays à forte croissance démographique, 80% de la population travaille dans le domaine de l’agriculture. Cependant, les conditions de vie difficiles poussent beaucoup de jeunes à émigrer vers les villes qui sont saturées.
C’est dans ce contexte que nait ce projet qui mobilise architectes, agriculteurs et urbaniste pour inventer un nouveau type de ville.
Je vous laisse découvrir le documentaire et je vous partage quelques réflexions plus bas.
Une approche innovante
L’approche de NESTown est de proposer quelques innovations qui, sans être forcément révolutionnaires, changent la vie de ces agriculteurs et leurs familles. On peut citer par exemple :
- les maisons sont regroupées pour mutualiser les matériaux de construction et les services fournis aux occupants,
- une zone agricole autour des maisons pour produire de quoi manger et vendre sur les marchés locaux,
- une citerne localisée sous les maisons pour récupérer l’eau de pluie pour l’utilisation domestique mais aussi pour le bétail,
- une pompe actionnée par une manivelle manuelle pour puiser l’eau de la citerne,
- des cuves de récupération d’eau de pluie pour l’irrigation. Il y a ainsi de l’eau à proximité pour les cultures même en saison sèche.
Ce documentaire met en avant de façon nette, l’impact de ces innovations pas très complexes ni nouvelles sur le quotidien de ces familles. Cela montre que les innovations et technologies existantes sont déjà très peu diffusées aujourd’hui. Elles peuvent changer des vies sans entrer dans la complexité du tout numérique ou connecté.
Par ailleurs, l’utilisation de matériaux locaux (briques en argile et paille pour les murs des maisons, bois pour la structure) est à saluer. Cela permet une réappropriation de techniques traditionnelles de construction par les habitants.
L’appropriation culturelle de l’innovation
Un autre point important que j’ai retenu est l’importance de l’appropriation culturelle d’une innovation.
Au départ, le projet était Suisse avec des « penseurs » étrangers désireux de bien faire et qui avaient des relais locaux. Il est intéressant de voir que, une fois le projet passé aux mains des habitants, des adaptations aux plans initiaux ont été apportés. Il y a d’ailleurs un aveu du manque réel de co-réflexion sur le projet.
PS : Il faut tout de même saluer la clairvoyance et le courage de l’équipe suisse pour s’être retiré du projet pour qu’il devienne 100% éthiopien.
Ce passage montre l’importance de ne pas transposer des principes ou concepts, voire déployer des innovations sans tenir compte des cultures et usages locaux.
Un autre point qui illustre cela est l’école intégrée au projet : construite en premier, elle n’a pas été mise en service même plus de 10 ans après. Il y a eu très peu d’informations sur le programme d’enseignement envisagé.
On peut supposer que l’école n’est pas une pratique dans les habitudes de ces populations et se vit peut être comme une obligation. J’aime à penser que si cette école proposait un apprentissage pratique adapté aux réalités locales (techniques agricoles, pompage, récupération eau de pluie, énergie,…) en parallèle d’un apprentissage théorique, le résultat aurait été différent.
Bien que le projet a été laborieux, une des grandes réussites a été la citerne d’eau munie de la pompe. Cette « innovation » dans la vie de ces agriculteurs leur a permis de pouvoir avoir 2 à 3 récoltes par an au lieu d’une seule et de ne plus avoir à faire des kilomètres pour trouver de l’eau.
Moralité : Les innovations qui changent des vies n’ont pas forcément besoin d’être très complexes mais doivent répondre à un réel besoin.
Un contexte avec des enjeux importants
Les statistiques annoncent une population de près de 2,5 milliards d’habitants en Afrique en 2050, soit le double de la population actuelle. Il est évident que tout le monde ne pourra pas être dans les villes, or l’exode rural ne cesse de s’intensifier. S’il est nécessaire de ré-inventer les villes, développer les campagnes est une piste de solution pour limiter le problème à la source. Cela créera moins de pression sur les villes et augmentera à long terme le niveau de vie global des pays.
C’est pour cela que l’aspect « amener la ville à la campagne » m’a fortement intéressé. Avec la mondialisation et internet, le besoin des populations rurales d’améliorer leurs conditions de vie est compréhensible, surtout pour les jeunes. Leur permettre d’avoir accès aux commodités des villes est un moyen de mettre moins de pression sur les villes.
D’ailleurs, il est intéressant de voir dans le documentaire, un des jeunes qui part à la ville et finit par revenir à la campagne. Selon moi, il revient aussi parce qu’il sait que le projet en cours va améliorer les conditions de vie de sa famille. Sans cet espoir d’un futur meilleur à la campagne, il serait sûrement rester en ville (ou parti vers d’autres pays étrangers) car c’est là où il penserait avoir le plus de chance de s’en sortir.
NESTown, un concept intéressant
Le concept NESTown est conçu autour de 4E : Éducation, Écologie, Échange, Énergie. Cela permet une approche globale et est une bonne piste pour répondre à l’enjeu de l’exode rural, voire plus globalement aux Objectifs de Développement Durable (ODD). Toutefois, son déploiement massif nécessite une meilleure organisation et co-construction avec les habitants. Il pourrait y avoir une mobilisation de bénévoles internationaux pour aider à la construction par exemple. L’aspect « construit par les habitants eux-mêmes » est intéressant, mais si cela doit prendre 10 ans, cela peut être contre-productif.
Et vous, qu’avez-vous retenu de ce documentaire ? Que vous inspire mes réflexions ?